Pas de progression sans transgression ?
Je viens de terminer la lecture attentive du controversé Aristote au Mont Saint-Michel de Sylvain Gouguenheim (1). Rien à voir avec un guide touristique, et pas certaine que le "brûlot vulgarisé", dont les extraits circulent depuis plusieurs années dans l'indifférence la plus totale, mérite autant d'attention à sa publication.
Bien joué, l'éditeur ;-)
Je n'avais pas vraiment conscience de l'ampleur du procès en sorcellerie qui s'ouvrait jusqu'à ce que je jette un oeil sur wikio.
Embrasement de la blogalaxie d'extrême droite qui s'approprie comme du pain béni les hypothèses de Sylvain Gouguenheim, fourches caudines du tribunal de l'inquisition islamogauchiste (pas d'offense, il s'agit d'une simple latéralisation) qui cherche les pseudo ficelles cachées d'un téléguidage idéologique - sans doute un énième complot judeomaçonnique ? ;-)
Achtung minen, comme dirait l'Autre.
La polémique, stérile, s'enflamme comme un bûcher médiéval autour de la question "L'Occident est-il ou non redevable (sic) envers le monde arabe ?"
Achtung minen (bis repita placent), le sujet traité n'est pas là, si je ne m'abuse, docteur !
L'auteur est pourtant explicite :
« Mon enquête porte sur un point précis : les différents canaux par lesquels le savoir grec a été conservé et retrouvé par les gens du Moyen Age. Je ne nie pas du tout l'existence de la transmission arabe, mais je souligne à côté d'elle l'existence d'une filière directe de traductions du grec au latin, dont le Mont-Saint-Michel a été le centre au début du XIIème siècle, grâce à Jacques de Venise. Je ne nie pas non plus la reprise dans le monde arabo-musulman de nombreux éléments de la culture ou du savoir grecs. J'explique simplement qu'il n'y a sans doute pas eu d'influence d'Aristote et de sa pensée dans les secteurs précis de la politique et du droit ; du moins du VIIIe au XIIe siècles. Ce n'est en aucun cas une critique de la civilisation arabo-musulmane.»
CQFD.
Alors, latéralisation oblige, pour une autre vision des choses, toute aussi critique qu'érudite, un petit tour chez Pierre Assouline vous donnera ou envie de lire ce pavé, ou de le fuir définitivement. Je n'en regrette pas la lecture, mais je n'irais pas jusqu'à le recommander.
Interlude : Timeo Danaos et dona ferentes, Virgile, Énéide, liv. II, v. 49
Question : Le cheval de Troie était-il un pur-sang arabe ?
Voilà pourquoi, finalement, je vais vous parler d'une autre lecture (f)utile. Surtout si, à cours d'arguments valides, vous êtes un habitué du recours aux noms d'oiseaux lors d'une discussion trollesque.
L'ouvrage (2) est publié par un agrégé de lettres modernes. Ne partez pas !
Le ton est vif et délicieusement piquant. Dans "Le petit livre des gros mots" Gilles Guilleron explore l'étymologie et l'histoire de 150 gros mots, injures et autres insultes. Et vous connaissez mon intérêt pour les gros mots (souvenez-vous !)
Pour 2 euros 90 aux Editions first, "le petit livre des gros mots" les classe même par ordre alphabétique, avec index, et vous propose leur équivalent en différents registres de langage.
Vous apprendrez ainsi que blaireau, de l'ancien français bler, tacheté, désigne avant tout un petit mammifère, court sur pattes, au pelage clair sur le dos et foncé sous le ventre.
Chez nous, êtres dits humains, "le blaireau" est quelqu'un qui se la joue, fait semblant d'être au courant, de savoir, d'être branché, alors qu'il n'en est rien ; "gros blaireau" signale une place de choix dans la hiérarchie des "m'as-tu-vu". Audiard aurait dit un cave. Les variantes vont de kéké à nase, de prétentieux à vantard. Et en registre plus soutenu, plutôt que gros blaireau, il sera préférable de lancer un "le roi n'est pas son cousin".
Les vrais, les purs, les durs, les tatoués sauront qu'en registre bloguesque on dit un bozo.
Le petit livre des gros mots ne cite pas encore ce registre 2.0
Cela viendra peut-être avec la seconde édition revue et corrigée ;-)
En attendant, bonne lecture !
1- Aristote au Mont Saint-Michel, Sylvain Gougenheim, Seuil, 21 euros
J'en profite pour remercier ici mon pygmalion préféré qui après m'avoir donné à lire Moïse l'Egyptien de Jan Assman, me replonge dans les délices de la "contre-histoire", celle qui place au premier plan certains éléments controversés dans la mémoire officielle ;-)
2- Le petit livre des gros mots, Gilles Guilleron, First, 2,90 euros
J'en profite pour remercier ici mon fils de cet investissement sur son argent de poche qui sera augmenté !
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