Qui a lu Alice au Pays des Merveilles se souviendra de la Reine de coeur qui ne connaissait qu’une seule façon de résoudre toutes les difficultés.
« Qu’on lui coupe la tête ! » criait-elle, sans même se retourner.
La mission Olivennes, reine des oeuvres culturelles, présidée par Denis Olivennes, Président de la FNAC, a remis son rapport vendredi.
Les conclusions des travaux menés sur le "développement et la protection des œuvres culturelles dans les nouveaux réseaux de communication" ont été accompagnées d’un accord tripartite -- État, ayants droit de la musique et du cinéma, fournisseurs d'accès Internet -- et d'un tollé à l'énoncé du verdict principal : tout pirate récidiviste aura la connexion* tranchée !
(sous entendu utilisez le wifi de votre voisin ou celui gratuit de la ville de Paris pour garder le vôtre ?)
Mais l'internaute, cet enfant capricieux qu'il faut éduquer de façon "pédagogique", raisonne.
Le principe de déplaisir éducatif proposé par la mission Olivennes est pourtant simple : l'internaute, en qui sommeille un pirate potentiel, va être pris en main par une commission théodule, virtuel papa (sans entrer dans le débat matriarcal, partons du postulat de la loi du père) sans doute composée de grands frères raisonnables, de tuteurs vertueux, voire de percepteurs précepteurs pédagogues.
Les enfants terribles seront donc vertement tancés par deux fois s'ils font des bêtises (pour ceux qui depuis la primaire auraient oublié que copier c'est mal) et si les deux premiers avertissements ne suffisent pas, on leur confisquera leur jouet en leur coupant la tête leur connexion.
Le texte ne précise pas quelles images fonds d'écran recevront ceux qui ne copieront pas, en guise de bons points.
Et pour qu'avec efficacité le principe puisse être mis en oeuvre, il faut, ça va de soi, surveiller la cour de récréation et repérer les bambins désobéissants.
C'est aussi là où le bât blesse ... les adolescents rebelles de l'UFC Que choisir ont semblent-ils connu d'autres pédagogues avant Olivennes, et dénoncent "un rapport potentiellement liberticide, anti économique et à contresens de l'histoire numérique."
Je ne suis pas une experte en la matière, mais empiriquement j'ai comme le sentiment impressionniste qu'ils n'ont pas tort.
On a tous connu des menaces parentales qui ont été mises à execution, ou pas.
Dans Le Monde, Denis Olivennes, dont on peut se demander s'il a été nourri de couleuvres de lobby -- espèce courante dans les couloirs des ministères, avertit que "Techniquement, il n'y a aucun obstacle. Juridiquement, le système d'avertissement et de sanction n'est pas évident."
Tu l'as dit, Denis ;-)
Mais l'honneur est sauf et le double langage peut se répandre : un accord historique a été signé ... qui ne sera pas applicable avant longtemps.
Prix d'excellence en rhétorique en vue. Et j'ai comme empiriquement l'impression de ne pas être la seule à rester perplexe et à n'y rien comprendre.
Une punition n'arrivant jamais seule, le prochain numéro du Time Europe a pour thème The Death of French Culture. "The land of Proust, Monet, Piaf and Truffaut has lost its status as a cultural superpower. Can it regain its glory?"
Pas sûr que ce soit par ce biais. On devrait plus souvent regarder par la fenêtre que nous tendent nos amis étrangers avant de réfléchir de l'autre côté du miroir...
Le rapport Olivennes est visible ici
*quid de ceux qui piratent depuis leur téléphone mobile ?